David Lorion
Octroi de mer : des parlementaires réunionnais interpellent Sébastien Lecornu

Alors que des négociations ont cours au niveau européen autour de l’octroi de mer, cinq parlementaires réunionnais (David Lorion, Karine Lebon, Jean-Luc Poudroux, Viviane Malet et Jean-Louis Lagourgue) ont écrit vendredi au ministre Sébastien Lecornu afin de « reconsidérer la position française dans cette négociation », qui pour l’heure avantageraient les importations par rapport à la production locale. Le courrier en intégralité ci-dessous.
« Monsieur le Ministre,
Notre attention a été récemment appelée sur l’évolution préoccupante de la négociation avec l’Union européenne, sur les exonérations d’octroi de mer dont bénéficie la production locale.
Nous partageons la très grande inquiétude des socioprofessionnels de notre département sur la proposition de la Commission tendant à exclure du bénéfice des exonérations d’octroi de mer, les productions locales qui assureraient moins de 5 % des besoins du marché local, ou plus de 90 %.
Monsieur le Ministre, les handicaps et contraintes particuliers de nos territoires sont reconnus par l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Cet article, qui sert de base juridique au système actuel, ne saurait être limité dans son application. C’est d’ailleurs ce que la Cour de justice est venue rappeler à l’occasion de l’arrêt « Mayotte » du 15 décembre 2015.
Il serait donc difficilement compréhensible, alors que la portée de l’article 349 vient d’être confortée par la jurisprudence, que la France accepte une proposition de la Commission visant à diminuer la portée du dispositif d’exonérations tel que nous le connaissons actuellement.
Ajoutons que, dans l’hypothèse où la proposition de la Commission serait retenue, le traitement qui serait réservé à la production locale serait moins favorable que celui qui serait fait à l’importation. En effet, l’importation ne serait aucunement limitée dans sa capacité à conforter ou conquérir des parts de marché localement, y compris jusqu’à 100 %, tandis que la production locale devrait impérativement s’arrêter à partir d’un certain seuil.
Monsieur le Ministre, nous ne pourrons jamais défendre une proposition de la Commission qui serait basée sur le postulat qu’il y a un moment où il y aurait « trop » de production locale.
Cette position nous semble, en outre, contraire aux positions du Président de la République comme du gouvernement sur le sujet, qui souhaitent promouvoir la recherche d’une plus grande souveraineté alimentaire et encourager la production locale.
Par ailleurs, cette proposition nous paraît totalement anachronique dans le contexte si particulier des restrictions de circulation liées à la lutte contre le Covid, qui devraient nous conduire à pousser au maximum notre capacité à produire localement, pour des raisons évidentes de sécurité d’approvisionnement.
Enfin, si les calculs des socioprofessionnels sont exacts, ce sont près de 150M€ d’aides qui sont en risque dans l’outre-mer, et près de 17 000 emplois. Nous ne comprenons pas pourquoi la France prendrait le risque, dans la situation qui est la nôtre et que vous connaissez, de pénaliser aussi considérablement la compétitivité des entreprises locales au bénéfice de l’importation, et de mettre en sursis des milliers d’emplois.
Dans ces conditions, nous vous demandons de bien vouloir reconsidérer la position française dans cette négociation, afin que soit clairement indiqué à la Commission le caractère absolument inacceptable de sa proposition. »
Les députés David Lorion, Karine Lebon et Jean-Luc Poudroux et les sénateurs Viviane Malet et Jean-Louis Lagourgue.